Dr Toualy Herman, Spécialiste en passation des marchés publics : « Les fausses garanties d’offres et de bonne
exécution…faussent le jeu de la transparence »
Quelle
définition peut-on donner au métier de Spécialiste en passation des
marchés ?
Le spécialiste en passation des marchés
est la personne ressource chargée de planifier et d’acquérir, en application
des règles et procédures établies, des fournitures, des travaux, des services
et des prestations intellectuelles pour appuyer la mise en œuvre des programmes
des maîtres d’ouvrage. Il intervient également comme contrôleur qualité du
processus de passation de marchés, en s’assurant que le processus d’acquisition
de biens et services se fait dans des conditions d’efficacité, de transparence
et d’équité au regards des textes dictés par les différentes législation en
vigueur.
Il faut dire qu’aujourd’hui, il n’existe
pas de formation diplômante au métier de passation des marchés. Vous trouvez
dans notre métier, des juristes, des financiers, des ingénieurs de travaux
publics, et même des cadres de la santé.
Pourquoi
avez-vous senti la nécessité de créer une association des spécialistes en
passation des marchés en Côte d’Ivoire?
Il faut préciser
que nous ne sommes pas une association, mais plutôt un réseau. Le réseau de
spécialiste en passation de marchés de Côte d’Ivoire (RSPM-CI) a été créé en octobre 2011, et est né de la
nécessité de fusionner nos énergies et forces en vue de
partager les expériences entre les différents spécialistes en passation des
marchés, de défendre les intérêts de notre métier, d’œuvrer au renforcement des
capacités des spécialistes en passation des marchés, et enfin de promouvoir le
métier de spécialistes en passation des marchés.
Quelle est la perception des acteurs (publics et
privés) de la commande publique
aujourd’hui en Côte d’ivoire?
Il faut noter d’abord que la commande
publique représente des sommes énormes. La passation des marchés est une
discipline qui est très complexe et qui a toute sa raison d’être du fait de la
nécessité des gouvernants à aspirer à la bonne gouvernance. Elle a pour
objectif un emploi rationnel des ressources publics, par le jeu de la concurrence,
afin d’avoir un meilleur rapport qualité prix.
Il y a une méfiance légitime ou non des acteurs privés
par rapport à la transparence du système. Mais nous pensons que les choses
évoluent surtout avec la création de l’Autorité nationale de régulation des
marchés publics.
En 2010,
l’Autorité nationale de régulations des marchés publics (Anrmp) susmentionnées
a été créée. Vous, en tant que spécialiste, quel est son positionnement dans le
cadre du dispositif institutionnel des marchés publics en Côte d’Ivoire ?
Cette autorité a
un peu un rôle d’arbitre entre les autorités contractantes (maitre
d’ouvrage) et les candidats aux marchés
publics. De la capacité de cette entité à jouer sa partition avec impartialité
et dans le respect de la rigueur de la loi dépendra sa crédibilité. Au vu des
actions menées par cette autorité, à savoir la sensibilisation et la formation
des acteurs de la commande publiques et surtout au regard des décisions déjà
prises, on peut déjà dire que l’ANRMP assure pleinement sa mission dans le
cadre des attributions qui lui sont dévolues.
Comment
percevez-vous le problème de l’accès des PME ivoiriennes aux marchés publics en
Côte d’Ivoire ?
Le problème est
plus complexe que cela. L’accès des PME aux marchés a toujours été, y compris
dans les pays développés, une sorte de dépit amoureux entre l’administration et
le secteur privé. Seules des rencontres périodiques, permettant de débattre des
problèmes liés à l’accès des PME en termes de capacité, d’accompagnement
financier et de simplification des procédures, pourraient être, de notre simple
point de vue, une approche à la résolution de ce problème supposé ou réel.
A un moment
donné, il y a eu beaucoup de gré à gré dans les marchés publics en côte
d’ivoire. Qu’elle est votre appréciation sur ce type de marché ? Quelle
est l’évolution actuelle par rapport aux marchés de gré à gré.
Aujourd’hui la
tendance semble heureusement s’inverser et c’est tant mieux. La dernière
réforme du code des marchés publics y a contribué pour beaucoup.
Pensez-vous
vraiment que les récentes réformes des marchés publics en Côte d’ivoire ont permis de hisser le
dispositif juridique et institutionnel au niveau des standards internationaux en matière de
passation des marchés ?
L’Etat de Côte
d’Ivoire a procédé, ces dernières
années, à une réforme en profondeur du cadre légal, réglementaire et
institutionnel des marchés publics qui se rapproche sensiblement des standards
internationaux dans le domaine. Des aménagements à la pratique pourraient être
nécessaires à l’avenir en accords avec
tous les acteurs de la commande publique y compris les bailleurs de fonds.
Quelle sont les
relations de votre réseau avec la Direction des marchés publics (Dmp) et
l’Autorité nationale de régulation des marchés publics (Anrmp) ?
Nous avons de
très bons rapports fonctionnels avec la
Dmp et l’Anrmp et nous espérons
leurs approfondissements en vue d’une
synergie de force pour contribuer à une optimisation de la commande publique
dans notre pays.
Vous avez
organisé récemment un diner d’échanges autour du thème «Les garanties et
l’utilisation du crédit documentaire dans les marchés publics : modalités
d’émission, de mise en œuvre et lutte contre les fraudes », qu’est ce qui
a motivé ce thème ? Qu’est-ce qu’on peut retenir d’essentiels de ces
échanges
Je voudrais profiter de cette occasion pour remercier
l’Association des sociétés d’assurances de Côte d’Ivoire (Asa-Ci) et
l’Association professionnelle des banques et établissement financiers de Côte
d’Ivoire (Apbef-Ci) qui ont accepté, par leurs représentants respectifs
d’animer ce diner d’échanges.
Plusieurs
constats ont motivé ce thème. D’abord dans l’exécution des marchés publics, il
existe de fausses garanties d’offres et dans certains cas de fausses garanties
de bonne exécution. Ensuite, on note
également une interpellation par les PME sur les difficultés qu’elles
rencontrent à obtenir des garanties auprès des établissements bancaires et
financiers dans le cadre des appels d’offres.
Un autre constat
qui en ressorti est que dans le cas d’appels d’offres internationaux, le crédit
documentaire est très utilisé pour sécuriser les transactions entre l’acheteur
et le fournisseur. Cependant, dans la pratique la mise œuvre de ce mode de
paiement n’est pas souvent maîtrisé par les acteurs publics de la commande.
Dans l’ensemble,
trois points essentiels sont à retenir des échanges : d’un, la nécessité
d’une harmonisation entre les dispositions nationales, les pratiques de l’Ohada et les directives ou règlements de
certains bailleurs notamment la Banque mondiale en matière d’émission et
d’appel de la garantie/caution. De deux, la mise en place d’un mécanisme de
vérification et d’authentification des documents émis aussi bien par les
Banques que par les compagnies d’assurances pour éviter les fraudes. Et enfin
de trois, concernant le crédit documentaire, assurer un renforcement des
capacités des acteurs de la commande publique sur ce mode de paiement.
Interview
réalisée par
GOORE
Bi Hué
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